L’artiste : épater la galerie… de peinture, sculpture ?

Il marche dans l’imaginaire.

Il nage si possible dans la liberté, alerte parfois quand un aileron en triangle lui passe sous le nez et navigue dans la poésie sur la grand’mer des cocotiers. Parfois, des requins de passage font de curieux sourires d’enfants pas sages. Il est pareil à chacun éveillé qui prend le temps…, le temps de s’arrêter et d’épiler un peu moins les arêtes du quotidien. Les enfants ont faim et ouvrent le bec de leur avenir, mais quand vas-t-on goûter le chemin qui n’écrase pas les lapins, mais serpente tout de même dans une possible bonne direction ?

Il hume de multiples embruns sucrés mêlés aux larmes salées, câlins et colorés comme des galets mouillés sur un lit de cristal brisé, craquant et brillant.

 

Le visiteur, le galeriste, le critique d’art ou le collègue lui disent (pas tous !) :

C’est prouvé peu ou prou, pour tenir sur la proue du navire dans la houle, Il faut…

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– Il faut que tu te recommandes d’un maître du passé.

Il faut que tu te recommandes d’un maître du présent qui t’inspire ou t’expire avant d’en devenir un toi-même, peut-être un napoléon, un dieu de l’Olympe, un Khéops… ou un jongleur de cacahuètes au nez rouge de clown dans un zoo !

– On n’existe que par l’héritage d’apprentissages et de culture ! On pourrait dire aussi que les milliards d’humains du présent et du passé sont tous intéressants. On pourrait dire aussi pour se donner du courage et de l’importance que l’on est moins qu’une goutte évaporée.

– Il faut couper en quatre les cheveux de la provocation, mais avec le geste auguste du faucheur d’autrefois. Peut-être faut-il se transformer en modeste bimbo nue avec des prothèses de seins comme des obus fusées spatiales qui feraient spectacle à travers toute la galaxie. – Il faut que tu sois plus jeune, moins vieux, plus d’ici ou d’ailleurs exotique. – Il faut que l’on reconnaisse ton style sans nécessité de voir ta signature, donc ne pas changer quand tu auras trouvé l’aboutissement de ton style unique.

– Il faut que tu descendes de L. de Vinci ou Rembrandt par ta généalogie pour donner de l’importance à tes créations.

– Il faut que ta personne soit admirée et respectée et que tu fabriques chaque jour une nouvelle philosophie.

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Il faut, il faut…

Il faux, il faux faucher l’herbe haute des incertitudes…

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– Tu auras une cour et des réseaux qui agiront pour toi et seront sœur de clientèle. Tes résultats seront la preuve de ton énergie positive exemplaire.

– Il faut poivrer plus et saler moins tes créations.

– Il faut que tu te plaignes pour bien te faire aider : utilise ton enfance difficile, tes soucis, la non reconnaissance de ton talent…

– Il ne faut pas encadrer d’enfants ni de débutants par des cours de dessins pour ne pas être assimilé à eux !!!  Laisse cela aux garderies  !

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Il faut, il faut, il faut…

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– Il faut que tu sois habile commerçant et communiquant séducteur de haut vol, une figure magique à admirer qui tient son imaginaire exprimé dans les toiles par les étoiles du ciel.

Une maîtrise universitaire de communication serait bien utile.

– Il te faut collectionner un carnet d’adresses.

– Il faut « te la péter » sans en avoir l’air, croire à la flamme de ton génie comme s’il s’agissait de la lampe à pétrole d’Aladin qui fait apparaître des éléphants roses.

– Il faut bien cultiver en jardinier ton égo pour exister, y croire et conserver l’envie d’inventer. – Il faut que ton look colle au personnage : queue de cheval, barbe, chapeau (pas un chapeau de paille de jardinier)… mais pas trop de barbe si tu es une femme ! – Il faut faire des concours compétitions pour te situer derrière le maître artiste du village voisin… et sur son terrain. Les médailles de général russe obtenues te feront respecter, rassureront ta clientèle et apporteront une bonne cotation à ton travail.

– Adopte un nom d’artiste imagé, original, élégant, avec majuscule et noeud papillon : Dédé la frite, Momo la saumure, Lady chewing-gum…

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Il faut, il faut, il faut…

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  Conclusion d’artiste :

Qu’il se batte en réponse de chiffonnier ou que blasé il laisse tomber les « il faut, il faut pas »,  qu’il fasse « les pieds au mur » par dérision ou qu’il dise « on se calme ; peut-être ; oui oui ; ou… rien du tout », il pense gaiement : « non, non et re non » sur son île cocotier. Il balaye peinard et expire souvent (pas toujours) les directives militaires, les très mauvais ou les judicieux conseils maternels qui ne savent pas établir des relations équilibrées. Il n’est pas plus intelligent que ça… mais balaye devant lui comme le fil qui veut couper le beurre mou et rance qu’il n’est pas… et tant pis pour le pain qui n’a pas le choix et s’en passera. La liberté dans l’autonomie et surtout la création dans la sérénité sont à ce prix.

 

Le métier de peintre est irrationnel : c’est 300 % de matière grasse commerciale en lubrifiant indispensable… et 1 % de création sucrée. Peut-on garder la ligne mannequin sexy magazine dans ces conditions ? Il faut prendre un bon agent commercial encouragé à réussir, quitte à ce qu’il laisse à l’artiste simplement 1/100 000 e de la valeur de l’œuvre (l’une des 4 versions de l’expressif cri d’Edvard Munch a été vendue 119,9 millions de dollars en mai 2012). Mais tous les artistes cherchent un vendeur phénomène qui pratique des tarifs notoriété-investissement qui font paillette à la télé.

Vous qui voulez acheter et encourager l’art à tarif humain, je vous salue !

 

« Le peintre, lâchez-lui les baskets » et portez donc des tongs en hiver quand les journées sont douces : le beau temps aura peut-être envie de flâner, des orteils jusqu’aux têtes.

l'artiste
L’idée que l’on se fait de l’artiste ! (les tongs existent en bleu) / ph N.L.

 A l’image du slogan « Si vous voulez ma place, prenez mon handicap », « Si vous voulez ma place d’artiste, bienvenue, mais prenez aussi les inconvénients » !

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